En souvenir de Maria Callas : 100e anniversaire

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Le 2 décembre, les amateurs d’opéra du monde entier célébreront le centenaire de la naissance de Maria Callas. Au cours d’une carrière remarquable, marquée par des scandales et des problèmes de santé, la soprano grecque a stupéfié le public par ses capacités vocales apparemment illimitées et a révolutionné les normes du chant moderne. À l’occasion de son centenaire, nous avons demandé à quelques-unes des plus grandes sopranos et mezzo-sopranos canadiennes ainsi qu’à l’équipe de La Scena Musicale et à ses lecteurs de nous faire part de leurs réflexions sur La Divina.

Quel est votre enregistrement préféré de la Callas ?

Sondra Radvanovksy, soprano : Tosca enregistré à Londres. C’est vraiment une interprétation incroyable ! Elle était au sommet de sa forme vocale et son jeu d’actrice était sublime dans cette série de représentations.

Simone McIntosh, mezzo-soprano : Una voce poco fa. Lorsque j’étais à l’école secondaire, ma mère m’a offert deux albums qui ont changé le cours de mes études : un album solo de Bartoli et les 100 plus grands succès de l’opéra. Sur l’album des grands succès, j’ai écouté en boucle la version de Callas d’Una voce poco fa. J’ai adoré son chant et elle a été une des sources d’inspiration qui m’ont poussée à me lancer dans l’opéra. Cette saison, j’interprète pour la première fois le rôle de Rosina qui chante cet air.

Jennifer Maines, soprano : Tosca au Covent Garden en 1964 lorsqu’elle approchait de la fin de sa carrière sur scène. Sa voix, son langage corporel et son comportement reflètent toute l’angoisse, la tendresse, l’amour donné et perdu, l’espoir et le désespoir qu’une vie entière sur scène et une vie privée turbulente peuvent produire. Sa voix n’est peut-être pas aussi « limpide » ou « pure » qu’elle l’était en 1953, mais sa prestation est tellement émouvante, brute et authentique qu’elle me donne encore la chair de poule à chaque écoute. Son talent artistique n’a jamais été – et ne pourra jamais être – cloné.

Othalie Graham, soprano : Le Liebestod de Tristan und Isolde enregistré pour CETRA le 8 novembre 1949. La beauté de sa voix, son legato et son phrasé sont incroyables. Bien qu’elle chante cet air de Wagner en italien, il est absolument sublime.

Justin Bernard, collaborateur à La Scena Musicale : L’air du suicide de La Gioconda de Ponchielli (1952). Ce morceau fait écho à la vie de Callas, qui a été marquée par la souffrance et de nombreuses tragédies. On a même soupçonné que sa mort était un suicide. C’est d’ailleurs un air qu’elle a choisi d’interpréter à son concert d’adieu à Londres en 1973.

Bridget Esler, collaboratrice à La Scena Musicale : Je pense tout de suite à l’enregistrement de Tosca réalisé en 1953 à la Scala. Cet enregistrement est célèbre avec raison : il a été réalisé pendant une canicule record de l’été milanais, sous les exigences perfectionnistes du producteur Walter Legge, avec Callas au sommet de sa puissance vocale.

Pierre Couture, lecteur de La Scena Musicale : Ce n’est que lorsque j’ai écouté l’enregistrement intégral de Carmen – enregistré bien après son apogée vocale – que j’ai pleinement compris sa valeur en tant qu’actrice chantante où chaque syllabe de chaque mot compte. Dans la fleur de l’âge, avec sa puissance vocale, l’intensité de son instrument, ses légendaires talents d’actrice, sa silhouette envoûtante sur scène, elle a dû offrir des expériences inoubliables à l’opéra. Souvent, chez elle, ce n’est pas tant le son qui compte, mais ce qu’elle parvient à accomplir avec sa voix, même dans ces interprétations de grande valeur historique, après son âge d’or vocal.

Jean Clermont-Drolet, lecteur de La Scena Musicale : La Traviata à la Scala en 1955. Callas était à son meilleur, entourée d’excellents chanteurs à son niveau, et d’un orchestre dirigé par Giulini.

Gerd Helssen, lecteur de La Scena Musicale : Tosca en 1953 avec Giuseppe DiStefano, Tito Gobbi et Victor de Sabata. Le secret de son chant est qu’il est souffert et souffrant.

Gianmarco Segato : La gioconda, enregistrement Cetra de 1952. Il s’agit de la première des deux intégrales de La gioconda de Callas, enregistrée quelques années seulement après ses débuts italiens dans le rôle à l’Arena di Verona. À ce stade de sa carrière, elle maîtrisait encore parfaitement son instrument, dont l’amplitude et le raffinement sont parfaitement adaptés aux exigences vocales et dramatiques considérables de ce rôle emblématique.

Quelle est votre anecdote préférée sur la Callas ?

Othalie Graham : Le lever de rideau de Callas à la Scala. Sa vue était très mauvaise, mais elle entendait des objets lourds atterrir sur la scène. En fait, il s’agissait de radis et de céleris lancés par la clique « anti-Callas ». Elle se penche, les ramasse, les montre au public et quitte la scène triomphante avec ses légumes.

Jennifer Maines : J’aime son authenticité dans les entrevues. Elle ne se plie jamais aux exigences de son interlocuteur. Elle exprime sa gratitude envers ses admirateurs et ses partisans, mais sans jamais perdre son authenticité et en disant toujours ce qu’elle pense.

Justin Bernard : Le fait qu’elle était myope et qu’elle chantait sur scène sans lentilles de contact, ce qui donnait parfois lieu à des malentendus ou à des tours de passe-passe de la part de ses collègues.

Bridget Esler : En 1955, une célèbre photo de Callas est prise dans les coulisses du Lyric Opera Chicago après une représentation de Madama Butterfly. Elle venait de se voir remettre des documents concernant un procès intenté contre elle et la caméra l’a photographiée les dents serrées dans un râle de colère. La photo est publiée dans les journaux le lendemain et la presse commence à l’appeler « la tigresse ». Alors que les médias interprètent la photo comme une représentation du comportement capricieux de la soprano, pour moi, elle met en valeur sa férocité de manière magnifique.

Sondra Radvanovsky : La légende raconte qu’elle a avalé un ver solitaire pour perdre du poids, ce qui est tout simplement ridicule maintenant, n’est-ce pas ?

Gianmarco Segato : « Je ne suis pas un ange et je ne prétends pas l’être. Ce n’est pas l’un de mes rôles. Mais je ne suis pas non plus un démon. Je suis une femme et une artiste sérieuse, et j’aimerais que l’on me juge ainsi. » Maria Callas

Quelle est l’influence de la Callas sur vous et sur votre œuvre ?

Sondra Radvanovsky : Callas, sans jamais l’avoir rencontrée ou vue en personne, est devenue mon idole par son dévouement à son art, sa voix, et le fait qu’elle se surpassait constamment pour interpréter ses rôles. Elle n’hésitait pas à émettre un son laid si le texte et le personnage l’exigeaient.

Othalie Graham : Maria Callas a passé beaucoup de temps à écouter les leçons des autres chanteurs lorsqu’elle était l’élève d’Elvira de Hidalgo. J’adore écouter les leçons de chant et les coachings d’autres chanteurs. Je pense que l’on apprend beaucoup en écoutant les autres.

Simone McIntosh : On peut couper le son en regardant ses vidéos et pourtant voir chaque expression passer par ses yeux. Plus encore, sa voix est un flux de l’être intérieur. Elle possède une liberté de communication inhabitée dont j’aurais aimé être témoin en personne. La qualité qu’elle maîtrisait est, à mon avis, un art de la plus haute forme. C’est ce que je m’efforce de faire dans mon propre travail.

Justin Bernard : La vie de Callas me touche. Ses entrevues sur la vie de musicienne m’inspirent. Je me dis souvent que sa beauté reste intemporelle et qu’elle aurait fait fureur aujourd’hui sur Instagram, plus que n’importe quelle chanteuse pop.

Jennifer Maines : Je n’avais jamais réfléchi en détail à l’importance de l’interprétation et du jeu d’acteur jusqu’à ce qu’un professeur de l’Université de Toronto nous fasse visionner quelques vidéos de Callas alors que j’y poursuivais mes études en interprétation vocale. L’une de ces vidéos portait sur son Vissi d’arte à Covent Garden en 1964. Ma vision de l’opéra a changé à ce moment. J’ai décidé à cet instant que je ne voulais plus me contenter de chanter mes chansons ou mes rôles, mais que je voulais les englober. Elle m’a donné la force de sortir de ma zone de confort et de devenir plus qu’une simple chanteuse. Je pense que c’est la raison pour laquelle je chante toujours professionnellement 30 ans plus tard. Je prends des risques avec ma voix, comme Maria Callas l’a souvent mentionné pour elle-même et pour les chanteurs d’opéra.

Gianmarco Segato : Elle a établi la norme pour tous les chanteurs qui sont venus après elle. Lorsque j’écoute d’autres chanteurs, sur disque ou en direct, la Callas est toujours la pierre de touche en termes de technique et d’interprétation dramatique.

Comment Callas a-t-elle changé le monde de l’opéra ?

Simone McIntosh : Callas était et restera toujours la diva ! Je crois qu’elle a établi une norme qui définit un grand chant. Intimité avec le texte, chant très concentré et contrôlé, brillance, expression, raffinement. Plus j’acquiers de l’expérience dans ce domaine, plus j’apprécie la grandeur de son talent.

Jennifer Maines : Maria Callas a rendu l’opéra accessible à tous. Elle a enseigné au monde, par son exemple, que l’opéra est un drame avec de la musique et que l’un n’existe pas sans l’autre, mais qu’ils vont de pair.

Callas Vissi d’Arte, 1964

voix incroyable, mais surtout d’une volonté indomptable. Chaque mot, chaque phrase, chaque geste avait un sens.

Sondra Radvanovsky : Elle était vraiment unique en son genre et je suis certaine que personne n’atteindra jamais le statut qu’elle a atteint dans le milieu de l’opéra. C’était la situation parfaite : elle était une véritable célébrité, dans le monde de l’opéra et aussi en dehors, en raison de son immense personnalité et de son caractère plus grand que nature.

Pierre Couture : Très souvent, nous nous référons au monde moderne de l’opéra comme étant avant Callas ou après Callas. Je pense sincèrement qu’elle est née cinquante ans trop tôt. Si elle avait vécu à notre époque, où l’accent est mis sur la direction et l’interprétation, elle aurait prospéré. Elle a vécu à l’époque du culte de la prima donna, où l’on attendait d’elle qu’elle mette en valeur sa voix et rien d’autre. Je peux imaginer ce qu’elle aurait pu accomplir de nos jours avec des metteurs en scène inspirés. Déjà, à la fin des années 1950, elle se plaignait du fait que le Metropolitan Opera ne lui proposait que de vieilles productions ennuyeuses. Heureusement, nous disposons d’un héritage étendu de ses grands rôles, d’une qualité exceptionnelle pour la postérité.

Jean Clermont-Drolet : Sa présence intense à l’époque où le disque 33 tours devenait populaire a facilité la diffusion de son talent et a encouragé les gens à tomber amoureux de l’opéra.

Justin Bernard : Elle a insufflé une nouvelle vie à un genre déjà ancien à son époque. Sa capacité d’incarner des personnages crédibles, son identité de prima donna, son charisme, son jeu dramatique dans lequel elle mettait toute son âme sur scène, tous ces éléments sont devenus un modèle à suivre et à ne pas suivre pour les jeunes chanteurs ! (Fini les annulations de dernière minute !)

Bridget Esler : En tant que soprano en début de carrière, j’ai remarqué une tendance chez mes collègues jeunes chanteurs à s’intéresser particulièrement à Callas et à d’autres chanteurs légendaires du passé. Callas a établi une norme de théâtralité vocale et d’intrépidité que la nouvelle génération d’artistes lyriques souhaite imiter. Elle incarne l’« âge d’or » du chant et, avec un peu de chance, un nouvel âge d’or pourrait être devant nous !

Gianmarco Segato : Le dévouement absolu de la Callas à l’interprétation de ce que le compositeur a écrit dans la partition, et son interprétation créative du texte, ont établi la norme pour tous les futurs chanteurs/acteurs.

Traduction par Mélissa Brien

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