Critique | Candlelight : Hommage à Hans Zimmer

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Je me suis joint jeudi dernier à l’essaim bourdonnant des amateurs de Hans Zimmer atteints de fièvre verbale devant les marches de l’Église St-Jean-Baptiste de Montréal, pour assister à un concert Candlelight dédié au géant de la musique de film. Le compositeur de Frankfurt est désormais l’un des musiciens les plus populaires et célébrés du globe et l’Ochestre Filmharmonique, dirigé par Francis Choinière, a eu le courage de s’engager dans un hommage à ce génie allemand dont le répertoire avoisine les 150 films.

Mais, comme tous ceux que nous aimons, il faut parfois être un peu dur pour leur rappeler le droit chemin… Je réponds tout de suite à votre première question : le court spectacle d’une heure en vaut-il la peine ? La réponse est oui. En vaut-il le prix ? La réponse est non. Entendez-moi bien, l’Orchestre FILMHarmonique est d’une qualité sans tache et le jeune maître Choinière, au sommet de son art. À preuve, le prestigieux Prix Goyer Mécénat Musica 2023 et celui de la Fondation Hnatyshyn que lui a valus son travail. Je dois avouer que mon regard fut fixé sur lui la majeure partie du spectacle :  sa jeunesse, sa grâce et sa prestance étant contagieuses au plus haut point.

Il n’existe nulle faute technique ou manque de bravado de la part des artistes engagés dans cet hommage face à une salle pleine à craquer, l’orchestre entouré de deux mille chandelles rayonnant dans la pénombre enchanteresse du toit gondolé d’or en ce lieu de prières.

Mais, si vous avez vu un concert de Hans Zimmer dans votre vie, vous êtes sûrement au fait que l’orchestre de 32 musiciens de FILMHarmonique ne suffit pas à la tâche. Avec un seul percussionniste, aucun chœur et une sonorité qui ne devait pas traverser la moitié de la salle. À ce point je nommerai immédiatement une exception magistrale : l’interprétation de « Herald of Change » du film Dune, dont le duduk (flûte arménienne) était joué par une musicienne spécialisée − Hans Zimmer est connu pour son emploi de musiciens des quatre coins du monde maniant des instruments ayant un son et une unicité sans égal. C’est de loin la meilleure pièce du spectacle, même si on s’ennuie des tambours et des chorales idylliques qui ont transporté nos consciences dans le grand erg du populaire film de science-fiction. Magique.

Inversement, l’interprétation du film de Batman The Dark Knight Rises était de loin la plus décevante, le manque flagrant de tambours et la limitation du petit orchestre rendant seulement les croûtes de pain de ce qui aurait dû être un haut fait épique dans l’histoire du Chevalier Noir. Pour contrebalancer, la pièce « Tennessee » du film patriotique Pearl Harbor était tout simplement somptueuse et faisait réellement justice à la majesté du thème.

J’en viens maintenant à la viande du concert, que je me permets de trancher avec autant de finesse qu’un mets exotique. Globalement, avec toutes ses bonnes intentions, l’orchestre ne possède pas le budget ou la versatilité pour rendre hommage à des œuvres nécessitant une technologie et des instruments tels qu’on en trouve chez Zimmer.

« Discombobulate », de Sherlock Holmes était fidèle, énergétique et le banjo rendu à la perfection. J’étais surpris de l’entendre avec tant de vivacité. « Run Free », de Spirit, l’étalon des plaines était candide, mais cet air fut créé à une époque où Zimmer n’avait pas encore accès à la technologie maintenant si cruciale dans ses œuvres.« Chevaliers du Sangreal » de Da Vinci Code était sublime, mais aurait nécessité davantage de bronzes, le choc de l’aventure perdant de son rythme au fil du morceau. Gladiateur était bien pesé et faisait justice au film, mais le choix de contrastes entre les thèmes était parfois corrosif et nuisait aux péripéties. Je me plains, direz-vous, mais ce film gagnant aux Oscars était l’une des premières percées majeures de Hans Zimmer et ce devrait être traité comme tel.

La prochaine œuvre au programme devait être Batman selon l’annonce du chef, mais c’est plutôt le thème d’Interstellar que j’ai reconnu. Cette erreur, sans être grave, était représentative de l’imprécision du répertoire ; la liste sur la page web du concert n’étant pas fidèle au spectacle, pas plus que la fiche de présentation donnée à l’entrée avec la note « ce programme est sujet à changement ». J’imagine sans problème la complexité de mener un tel spectacle, mais j’aurais préféré ne pas me demander sans cesse si j’allais entendre ce qui était prévu au programme. J’en suis navré, mais Interstellar, pièce fort profonde évoquant le voyage à travers le temps et la mémoire, méritait un orgue digne du chef-d’œuvre. Une fois de plus, et ce pourrait être le titre de cet article, l’Orchestre FILMHarmonique fait de son mieux avec les ressources qu’elles possèdent, à vous de voir si le compromis vous satisfait.

Énième déception : Batman. Tout le monde connait un peu son thème dans la trilogie éponyme de Christopher Nolan, remanié au gré des variations du personnage. Que ce soit la faute du thème choisi ou des limitations de l’orchestre, ce fut de loin ma plus ample déception. La pièce − que j’écoute par ailleurs tous les jours − sonnait étrangère et distante lorsqu’elle aurait dû m’inspirer courage et force.

Mais tout n’est pas dit ! Time du film Inception était d’une beauté et d’un respect salutaire, et le morceau de clôture, de Pirates des Caraïbes, était absolument somptueux, plein de vie, couronnant la soirée avec brio. Mais Choinière nous réservait encore deux surprises.

Premièrement, le Roi Lion, jouée à la perfection et, finalement, et malgré mes médisances je suis fier de vous l’annoncer, un avant-goût du prochain spectacle sur le thème de l’Halloween, les 26 et 27 octobre, avec des pistes voguant entre Carmina Burana et Psycho, et c’est justement sur cette dernière que fut clos le spectacle.

Je n’ai nul doute que cette équipe de production aura maintes réussites à venir, ne reste qu’à serrer quelques écrous et à justifier certains choix. En définitive, l’expertise classique des artistes en fait une aventure qui vaut le détour.

 

https://feverup.com/fr/montreal/candlelight

www.filmharmonique.ca

 

 

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