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Anne Sofie von Otter n’a pas besoin de présentation. Au cours de sa carrière longue de près de quatre décennies, elle est montée sur scène dans des opéras, des concerts et des récitals aux quatre coins de la planète et a réalisé ce qui semble être un nombre incalculable d’enregistrements définitifs.
Une carrière exceptionnelle
La carrière de la mezzo-soprano suédoise débute à Stockholm, sa ville natale, où elle étudie avant d’intégrer la Guildhall School of Music and Drama à Londres. Dans une entrevue accordée en 2005 au Guardian, Mme von Otter avoue avoir découvert le répertoire opératique tardivement. Ce n’est qu’au milieu de la vingtaine, alors qu’elle étudiait à la Guildhall avec Vera Rózsa, qu’elle commence à apprendre des rôles d’opéra.
Von Otter intègre ensuite l’ensemble de l’Opéra de Bâle, de 1983 à 1985. Il s’agit de son premier emploi, qui marque le début d’une formidable carrière. Son parcours scénique couvre toute une gamme de rôles : des premières mondiales de rôles tels que Lenora dans The Exterminating Angel de Thomas Adès au Salzburger Festspiele et au Royal Opera House à son établissement précoce en tant qu’Octavien de premier plan (Der Rosenkavalier), en passant par des interprétations des grands classiques, allant des Nozze di Figaro de Mozart à Pelléas et Mélisande de Debussy, Carmen de Bizet et Tristan und Isolde de Wagner.
Outre son solide catalogue de travail sur scène (tant à l’opéra qu’en concert), Mme von Otter a enregistré tous les rôles de Mozart et de Strauss « appropriés à sa voix » dans le cadre de l’accord exclusif qu’elle a signé au début de sa carrière avec Deutsche Grammophon. Cette relation à long terme s’est avérée exceptionnellement fructueuse et lui a permis de se hisser parmi les artistes les plus enregistrés de sa génération. Ces dernières années, elle a entretenu une relation avec Naïve Classique, avec qui elle a publié son album double, Douce France. Sorti en 2015, l’album lui vaudra le prix Grammy du meilleur album vocal solo classique.
Soutenue par la curiosité
Jusqu’à présent, la caractéristique la plus frappante de la vie professionnelle de Mme von Otter est peut-être qu’elle ne s’est pas limitée à des choix de répertoire, à des collaborations ou à des configurations de concert traditionnels. En tant que chanteuse classique bien établie, très sollicitée à l’international, elle aurait pu rester dans sa voie en interprétant des œuvres que le public connaît et aime et en programmant ses récitals en fonction des conventions et des attentes du public.
Au contraire, von Otter a choisi de faire les choses à sa manière. Étonnamment, elle ne trouve pas cela difficile. « Les promoteurs ont parfois besoin de se rallier à l’idée, dit-elle. Ils craignent que leur public ne s’y oppose. » Lorsqu’elle a commencé à programmer ses concerts et ses collaborations de cette façon, certains ont été surpris. « Cependant, le mélange des répertoires est de plus en plus courant aujourd’hui. Joyce DiDonato le fait, Renée Fleming le fait, Thomas Hampson aussi, à l’occasion. Si la musique est bonne et que nous prenons plaisir à la chanter, j’ai pour devise d’enlever les étiquettes et d’aller de l’avant. »
Von Otter tient à reconnaître le mérite du public : « J’aime penser que le public apprécie la variété d’un programme qui passe de Monteverdi à Paul McCartney ou de Schubert et Schumann à la musique folklorique suédoise et à Kurt Weill. Le public habituel des récitals est souvent ravi d’entendre quelque chose de différent. Il ne s’attend peut-être pas à ce qu’une chanson de Benny Andersson ou de Sting l’interpelle aussi fortement. Il m’est arrivé de chanter des lieder purement classiques et de terminer par un rappel de Benny Andersson, pour ensuite recevoir des remerciements particuliers pour cette chanson. »
Elle a joué un rôle de premier plan dans la lente et constante reconsidération de ce qu’est la musique classique, de la manière dont elle doit être présentée et de ses auditeurs. « Je pense que la musique classique en général s’ouvre aujourd’hui à de nombreuses autres influences, et ce n’est pas trop tôt », dit-elle. Le public est désormais invité à voir et à entendre « des programmes contemporains, des concerts semi-scéniques, du jazz et de la musique d’autres cultures » associés au répertoire classique. « Les maisons d’opéra changent aussi, enfin, et aèrent un peu les placards en introduisant de nouvelles œuvres et influences et remportent un énorme succès avec, par exemple, les opéras de John Adam. »
Cette ouverture à de nouvelles expériences musicales est à l’origine de son célèbre projet d’enregistrement avec Elvis Costello, intitulé For the Stars, ainsi que de ses collaborations avec le Canadien Rufus Wainwright, dont elle a interprété la musique en tournée aux côtés du répertoire de Schubert, dans un concert intitulé Songs of Love and Death.
La musique folklorique suédoise à Lanaudière
C’est dans ce même esprit de créativité et de polyvalence qu’elle se produira non pas une, mais deux fois, au 47e Festival de Lanaudière, au Québec. Son premier récital s’inspirera de son double album primé, Douce France. Des extraits du premier disque, composé de « mélodies françaises classiques de Hahn, Saint-Saëns, Ravel et Debussy », seront combinés à des sélections du deuxième disque, qui comprend des « chansons françaises du milieu du siècle dernier, de Charles Trenet, Barbara, Kosma et d’autres ». Elle est « enchantée d’être invitée à Lanaudière pour chanter les chansons à l’auditorium extérieur du festival ! »
Son deuxième récital à Lanaudière, Von Otter folklorique, s’inscrira dans la série Hors les murs du festival. « Nous présenterons un ensemble d’airs de musique folklorique suédoise ainsi que de la musique pop et quelques surprises, laisse-t-elle entendre. Je suis accompagnée de deux des meilleurs musiciens folkloriques de Suède : l’accordéoniste Bengan Janson et le violoniste Anders Jacobsson. Vous pouvez être sûrs qu’ils joueront à plein régime ! »
Janson et Jacobsson font partie de la vie musicale de Mme von Otter depuis de nombreuses années. « Ce sont des musiciens uniques et des personnes charmantes. » Mais son pianiste pour ces récitals, Johan Siberg, est un nouveau collaborateur. « Nous nous sommes rencontrés pour la première fois l’été dernier. Johan fait partie de ces personnes exceptionnelles qui peuvent jouer de la musique classique tout en étant parfaitement à l’aise avec le jazz, la pop et d’autres styles. Il est facile de travailler avec lui et il saisit rapidement la musique. » Le groupe sera complété par une connaissance on ne peut plus proche : son fils, Fabian Fredriksson, jouera de la guitare.
Von Otter hésite à citer ses morceaux préférés de ces deux récitals. « C’est à notre public d’en décider, dit-elle. Mais je sais qu’une chanson fera sourire les gens, Boum ! » de Charles Trenet, qui avait beaucoup de charme et écrivait de grandes à son époque (sa plus célèbre étant la merveilleuse La Mer).
Décomposer un récital
Ces représentations seront, bien entendu, très différentes des opéras dans lesquels Mme von Otter se produit souvent. « Être sur scène dans un opéra et chanter dans un concert, comme à Lanaudière, sont deux choses complètement différentes, dit-elle. L’opéra est une pièce avec une histoire qui se développe, une musique d’un seul compositeur. Il y a des semaines de répétitions et de construction du puzzle en quelque sorte. Il y a les décors. Les perruques et le maquillage. Les costumes. L’éclairage. C’est du théâtre et c’est une collaboration. »
Lors d’un récital, elle est aux commandes. « Je prends presque toutes les décisions. Je choisis mes collègues musiciens, je décide du type de programme, de la tenue vestimentaire… Et je fais face au public du début à la fin. » Elle décrit cela comme « un défi passionnant et légèrement effrayant qui peut être très gratifiant, mais qui représente également une grande responsabilité ».
C’est une responsabilité que Mme von Otter prend très au sérieux, ce qui se reflète dans sa programmation dynamique et ambitieuse. « Je passe des heures et des heures à élaborer le programme d’un récital, avoue-t-elle. C’est assez difficile en fait, je veux qu’il réponde à de nombreux paramètres. » Elle s’efforce de concevoir des concerts « de la bonne durée, ce qui est plus difficile qu’il n’y paraît ! Avec une grande variété d’ambiances et de styles; de belles chansons, des chansons plus rudes, plus dures; de la lumière et de l’ombre; de la joie et de la tristesse ». Elle avoue être consciente « qu’il est facile de s’ennuyer dans un théâtre ou une salle de concert. Je veux que mon public en redemande, qu’il revienne une autre fois, qu’il se souvienne et qu’il garde dans son cœur une partie de la musique et des ambiances ».
Retour au Canada
Il n’y a pas très longtemps que Mme von Otter s’est produite en concert au Canada. Elle se souvient de sa dernière tournée canadienne, en mai 2022, avec le pianiste allemand Christoph Berner, avec qui elle a joué un programme axé sur la musique de Schubert. « J’ai fêté mon anniversaire dans un charmant restaurant d’Halifax, qui était notre premier arrêt. Nous sommes également allés à Kingston, Toronto et Ottawa. J’ai adoré voir le Canada au printemps. » Plus récemment, elle s’est rendue à Toronto pour un concert unique avec Kristian Bezuidenhout dans le fantastique Koerner Hall.
Sa toute première visite au Canada a eu lieu dans les années 1990, lorsqu’elle a donné ce qu’elle décrit comme un « concert baroque fou » avec Reinhard Goebel et sa Musica Antiqua Köln. Elle y est retournée quelques années plus tard, cette fois à Vancouver, au printemps 1995 – « un souvenir vif et merveilleux » – et à Montréal, avec Brad Mehldau, « un jour d’hiver glacial, il y a peut-être dix ans, alors que la ville était profondément gelée sous la vieille neige grise et la glace ».
« Je me réjouis toujours de revenir au Canada, dit-elle, décrivant ce pays comme un pays amical où je me sens chez moi parce qu’il me rappelle mon coin de pays, la Scandinavie. » Bien qu’il s’agisse de sa première prestation au Festival de Lanaudière, elle est certaine que l’occasion lui plaira. « Le Festival de Lanaudière semble très vivant et amusant, déclare Mme von Otter. Le fait d’être invitée à venir pour mon programme de chanson française avec mes amis suédois au piano, à la guitare, au violon et à l’accordéon est un grand plaisir. »
Les spectateurs pour qui un voyage dans Lanaudière n’est pas envisageable cet été n’ont toutefois pas à s’inquiéter. Mme Von Otter admet qu’elle a déjà en tête un retour imminent en Amérique du Nord. « Mon imprésario prépare actuellement une tournée aux États-Unis et au Canada pour Kristian Bezuidenhout, un ami très cher et un pianiste absolument merveilleux, et moi-même, explique-t-elle. Nous interpréterons des chansons et des pièces pour piano des dernières années de Schubert. C’est un compositeur que j’aime et que j’admire de plus en plus; il y a tant de choses à découvrir et à approfondir – quel cadeau pour tous ceux qui aiment la musique ! »
La voix d’une génération
C’est manifestement un amour et un engagement profonds pour l’expression musicale qui ont guidé Mme von Otter tout au long de sa carrière jusqu’à maintenant. Cet amour lui a permis de s’adapter à l’évolution des climats culturels et des goûts musicaux, d’explorer toutes les facettes de son instrument et de rester déterminée à se consacrer aux projets qui l’intéressent vraiment. Tout cela, dit-elle, se résume à quelques principes simples. Il s’agit de « travailler dur et de ne pas abandonner », de « vivre, d’apprendre, d’écouter et de regarder autour de soi ».
Traduction par Mélissa Brien
Le Festival de Lanaudière se déroule du 6 juillet au 4 août.
Anne Sofie von Otter présentera Von Otter Folklorique le 25 juillet à 19 h 30 et Douce France le 27 juillet à 16h. www.lanaudiere.org
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