Violonissimo II d’Esprit Orchestra: Une rencontre entre l’ancien et le nouveau

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De nombreuses formations ont commémoré le centenaire de György Ligeti au cours de l’année écoulée. Dirigé par son fondateur et chef d’orchestre Alex Pauk, Esprit Orchestra ajoute sa voix aux célébrations en mars avec Violonissimo.

Au programme, des œuvres de Max Richter et de Ligeti lui-même. Le concert débutera par Recomposed: Vivaldi – The Four Seasons (2012) de Richter. Le violoniste Mark Fewer se joint à l’orchestre pour cette interprétation contemporaine de l’œuvre canonique de Vivaldi. Si l’œuvre s’inspire de la composition de Vivaldi et en conserve la forme, la version de Richter reste fidèle à son style moderne et minimaliste. Le compositeur britannique aurait déclaré avoir écarté « 75 % de la musique originale de Vivaldi » pour créer sa recomposition.

Mark Fewer

Mark Fewer

« Richter est intelligent et fait avec Vivaldi ce que Vivaldi lui-même fait avec sa propre musique. » Fewer évoque ici l’habitude bien documentée de Vivaldi d’emprunter à son propre catalogue, comme le faisaient de nombreux compositeurs baroques. L’œuvre a une « chaleur, une beauté – le confort de la familiarité, avec la liberté de quelque chose de nouveau », dit Fewer. Le claviériste Wesley Shen, qui jouera du clavecin au concert, fait des observations similaires. « C’est une rencontre entre l’ancien et le nouveau », note-t-il. Il y a quelque chose de nostalgique dans le Richter, il évoque une mémoire culturelle. »

Shen guidera le public dans la transition entre le langage musical minimaliste de Richter, peut-être plus accessible, et la partie de la soirée consacrée à Ligeti, avec Continuum (1968) pour clavecin seul. Le timbre évocateur du clavecin fera le lien entre l’ancien et le nouveau dans ce programme, les sons de cet instrument donnant vie au langage musical complexe et virtuose de Ligeti.

Wesley Shen

Wesley Shen

« C’est l’une de mes pièces préférées pour clavecin contemporain », déclare Shen, qui est titulaire d’une maîtrise en clavecin contemporain du Conservatorium van Amsterdam. En fait, c’est à Continuum qu’il doit son désir d’apprendre l’instrument. « Ligeti est l’un des premiers compositeurs à avoir vraiment repoussé les limites de ce que le clavecin pouvait faire ou pourrait faire. »

En termes simples, Continuum consiste en quatre minutes de musique au cours desquelles le claveciniste joue effectivement aussi vite que possible. L’objectif est « d’essayer de créer une impression de son continu », ce qui, bien sûr, est impossible sur un instrument qui ne peut maintenir la pression du rythme. Le résultat est une « texture dynamique et kaléidoscopique [composée de] différents motifs ainsi qu’un sentiment irrégulier ».

Préparer une telle pièce n’est pas une mince affaire, même pour Shen, qui l’a jouée à de nombreuses reprises. « La partition elle-même est très dense, explique-t-il. Elle est presque impossible à lire. La première tâche, note-t-il, consiste à comprendre les motifs, puis à créer une carte pour soi-même. Cela devient à la fois plus facile et plus difficile chaque fois que l’on reprend l’œuvre. Ligeti demande dans ses notes que la pièce ne dure pas plus de quatre minutes, ce qui oblige les clavecinistes à jouer “entre 12 et 15 notes par seconde”, c’est-à-dire presque plus rapidement que le mécanisme en est capable. » Pour parvenir à ce niveau de coordination, il faut une grande précision et une grande expertise technique.

La deuxième partie du programme se poursuivra avec le Concerto pour violon et orchestre de Ligeti (1990-1992). Mark Fewer, qui interprétera le concerto en tant que soliste, a travaillé pour la première fois avec Esprit pendant ses années universitaires, lorsqu’il étudiait à l’Université de Toronto. Depuis, il a joué avec l’orchestre à plusieurs occasions, notamment lors de la création de la Partita n° 2 pour violon solo de Chris Paul Harman l’année dernière.

Fewer décrit le concerto pour violon de Ligeti comme un certain type de défi qu’il apprécie particulièrement. « J’aime les défis, dit-il. Cela fait de moi un meilleur musicien. » C’est un tel défi, en fait, qu’il planifie déjà son approche, bien qu’il l’ait déjà joué plusieurs fois. « C’est comme apprendre une nouvelle langue, explique-t-il. Il faut l’assimiler suffisamment pour pouvoir la parler. »

L’œuvre est pleine d’éléments uniques pour le soliste, notamment des passages pizicatto et des formes exigées de la main gauche. Le violoniste de Toronto se sent à l’aise dans un large éventail de styles et d’environnements musicaux – du jazz au folklore en passant par la musique classique de toutes sortes. « Toutes les musiques s’influencent entre elles », affirme Fewer. Il note que son travail en tant qu’interprète de jazz a amélioré sa capacité d’improviser, ce qu’il met à profit dans la cadence qu’il joue dans le concerto de Ligeti. « J’ai utilisé la même cadence un certain nombre de fois, mais je pourrais la modifier pour le concert avec Esprit », laisse-t-il entendre.

L’interruption abrupte par l’alto de la quinte initiale du violon, l’utilisation d’ocarinas, le contraste dramatique entre la tessiture du violon et celle des autres instruments ainsi que les « mélodies lentes, intemporelles et d’une beauté obsédante » figurent parmi les éléments texturaux de l’œuvre que Fewer préfère. « Ce n’est pas une œuvre facile à écouter, prévient-il. Elle exige des auditeurs actifs qui sont mis à l’épreuve, mais qui sont finalement récompensés. »

Monter une œuvre de cette nature avec un orchestre demande beaucoup de temps de répétition. « Il est impossible de suivre le format habituel d’une ou deux répétitions, d’une répétition générale, puis du concert. » Esprit est cependant à la hauteur, compte tenu de sa familiarité et de son engagement dans les répertoires voyageant du 20e siècle vers le contemporain.

Shen espère que le public en retirera un sentiment d’excitation. « Toute la musique est très énergique, ajoute-t-il, et la gamme est très excitante. J’espère que le public repartira avec le sentiment d’être autorisé à ressentir les choses, sans être accablé par la pression de comprendre la musique. […] Ce programme contient quelque chose de viscéral. »

Le public ne sera pas déçu par l’association astucieuse de l’ancien et du nouveau – l’écriture intrépide de Ligeti pour clavecin, violon et orchestre et la version contemplative et enchanteresse de Richter d’un des thèmes favoris des auditeurs prêts pour l’aventure.

Traduction par Charles Angers

Pour en savoir davantage sur Violonissimo II:
www.espritorchestra.com

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