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Les rapports alarmants sur la situation précaire des artistes se multiplient ici comme ailleurs. Beaucoup d’entre eux n’ont plus le choix que de mettre leur carrière en veilleuse pour se trouver un job de subsistance. La plus récente sonnette d’alarme est venue de la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec qui a publié, fin octobre, les résultats d’un sondage affirmant qu’un musicien sur cinq a choisi d’abandonner sa carrière.
Le président de la Guilde, Luc Fortin, affirme que les artistes ont perdu des millions de dollars avec la fermeture des salles, lesquelles avaient d’ailleurs déployé des efforts pour se soumettre aux conditions sanitaires. « C’est quand même assez sérieux. Il faut penser à quelque chose. Ça prend de bonnes mesures d’aide pour garder la tête hors de l’eau », dit M. Fortin.
Selon la GMMQ, ce sondage effectué auprès de 755 musiciens professionnels entre le 6 et le 22 octobre 2020 reprend plusieurs éléments de la situation financière des musiciens. Malgré l’argent investi en culture par les gouvernements fédéral et provincial, les sommes ne semblent pas avoir ruisselé jusqu’aux musiciens, qui sont parmi les plus vulnérables, la scène représentant l’essentiel de leur activité. On apprend ainsi que 75 % des musiciens professionnels ont reçu la prestation canadienne d’urgence (PCU) et que 50 % font face à des difficultés financières. Selon la Guilde, en 2019, seulement 20 % de ses membres gagnaient 20 000 $ et moins; en 2020, cette proportion a augmenté à 56 %. Répondant à la question « Les problèmes causés par la pandémie de coronavirus pourraient-ils signifier que vous envisagez d’abandonner votre carrière de musicien à long terme ? », 57 % des musiciens sondés ont répondu par l’affirmative ou sont en réflexion à ce sujet, dont 18 % pour qui c’est un oui ferme. Les musiciens étaient aussi invités à se prononcer sur une note sur 100 à donner aux gouvernements provincial et fédéral quant aux mesures prises pour les soutenir dans le contexte de pandémie. Ainsi, le gouvernement fédéral obtient une note de 62/100 et le gouvernement provincial obtient 25/100. Ce qui revient à dire que la rapidité du gouvernement fédéral à agir en créant la PCU et la PCRE a été appréciée, selon ce sondage.
Les restrictions mal perçues
La GMMQ reconnaît les efforts des différents gouvernements pour soutenir l’industrie culturelle, mais la situation financière des musiciens reste néanmoins précaire. Il faudrait donc revoir certains programmes pour assurer que tous les artistes en bénéficient concrètement. Au moment du sondage, les détails du nouveau programme provincial de soutien à la diffusion de spectacles québécois pour traverser la deuxième vague de COVID-19 (50 M$) n’étaient pas connus. La GMMQ, comme d’autres associations d’artistes, avait réagi positivement à l’annonce du programme début octobre, qui devait permettre à beaucoup de ses membres d’être compensés pour les événements annulés à partir du 1er octobre. Les membres ne sont pas d’accord ou plus ou moins d’accord à 81 % avec les restrictions imposées aux lieux culturels en zone rouge. Ils souhaitent un retour au travail le plus rapidement possible. Comme les mesures mises en place pour assurer la sécurité du public et des artistes étaient efficaces et rigoureuses et qu’aucune éclosion n’a été constatée en lien avec les lieux de spectacle, la GMMQ comprend parfaitement l’insatisfaction des musiciens.
À noter que le sondage a été effectué avant l’annonce par le gouvernement du Québec d’un plan d’aide de 50 millions au secteur culturel, ce qui a apporté un certain soulagement dans le milieu.
« Puiser dans ses ressources intérieures »
Le contexte de la pandémie permet de s’apercevoir de la grande diversité des réactions des artistes pour trouver des ressources de rechange. Si d’aucuns se sont convertis dans les secteurs des soins de santé, entre autres, d’autres ont fait appel à leur polyvalence artistique. C’est le cas de l’artiste lyrique Léa Weilbrenner qui s’est lancée dans la confection de couvre-visages pour chanteurs. Une initiative ingénieuse qui a été très appréciée et qui a encouragé Léa à développer les autres activités artistiques qu’elle pratiquait avant la pandémie, notamment sa passion pour la poterie et les objets décoratifs dans sa boutique La Maison de Léa, lancée en 2019. Cette artiste née dans une famille d’artisans céramistes adorait depuis son jeune âge décorer les pièces céramiques créées par ses parents. Léa affirme que le confinement lui permet de tirer profit de ses autres compétences artistiques, dont la peinture à la gouache et l’aquarelle. Après le lancement de sa ligne de couvre-visages pour chanteurs qui ont l’avantage d’être minces, faits en plusieurs couches et conçus de manière à ne pas toucher la bouche, elle s’est vue agréablement surprise de l’augmentation rapide des commandes de partout à travers le monde, Québec, Canada, États-Unis, Europe, etc.
D’autres artistes ont su puiser dans leurs ressources intérieures pour mettre à profit leur polyvalence afin d’assurer la continuité de leur créativité. Rose Naggar-Tremblay a vu la lancée de sa carrière d’interprète lyrique à l’international stoppée net à cause de la pandémie, alors qu’elle était si heureuse de voir la plus belle saison de sa vie se dessiner. Pour ne pas désespérer, voyant tous ses contrats, notamment en Europe, annulés ou reportés, Rose n’avait d’autre option que faire preuve de beaucoup d’imagination pour chercher à reprendre possession de ses moyens. Pour continuer à gagner sa vie, elle s’est mise à l’enseignement des langues : le français, l’italien ainsi que l’initiation à l’écriture créative en ligne. Ces retrouvailles avec son autre passion pour l’enseignement a redonné à Rose un second souffle pour profiter du confinement et continuer dans sa lancée créative dans la composition de livrets, de poèmes et l’enregistrement de mélodies lyriques. « Cela m’a apporté une sérénité et une stabilité mentale jamais ressenties auparavant, dit-elle. Ce qui m’a fait beaucoup de bien et m’a donné l’énergie pour transformer ce chamboulement désastreux en un tourbillon créatif salutaire. »
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