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Le 15 novembre, Isolde Lagacé quittera ses fonctions de directrice générale et artistique de la salle Bourgie. Lors du concert d’ouverture de la saison 2022-23, le 18 septembre dernier, celle qui est à la tête de l’institution depuis le début était montée sur scène pour passer le flambeau à la nouvelle direction, désormais à deux têtes : Caroline Louis à la direction générale et Olivier Godin à la direction artistique.
« Dans les premiers temps, il n’y avait aucun problème pour moi d’assumer les deux fonctions. Je suis formée en gestion, je suis formée en musique, je suis même née dans la musique. Mais déjà après cinq ans, la tâche commençait à être lourde. J’ai continué à la faire, mais l’ampleur était telle qu’il était presque inhumain de demander ça à une seule personne. »
Aujourd’hui, Arte Musica présente à peu près 120 concerts à la salle Bourgie, auxquels s’ajoute une cinquantaine de locations par des ensembles comme Arion Baroque, Constantinople et le Trio Fibonacci. « On fait en sorte que tout le milieu en profite et que la salle serve à tout le monde. » Avant même son entrée en fonction, Isolde Lagacé était convaincue qu’il fallait une salle à Montréal pour la musique de chambre afin de permettre à tous ces ensembles de présenter leurs concerts dans un lieu de diffusion fixe. Sa conviction était d’autant plus forte qu’à cette époque la métropole allait bientôt se doter d’une nouvelle salle pour grand orchestre, la Maison symphonique.
À propos de la création d’Arte Musica, en étroite collaboration avec l’homme d’affaires et mécène Pierre Bourgie, Isolde Lagacé raconte : « Il ne fallait pas avoir froid aux yeux, car on se lançait complètement dans l’inconnu. Beaucoup de musées ont des salles de concert, mais qu’une structure légale financière indépendante soit en résidence dans un musée, que la salle ne soit pas un auditorium multidisciplinaire, mais une vraie salle de concert avec une organisation clairement établie pour la diffusion de la musique, c’est exceptionnel. Pierre [Bourgie] a mis l’argent pour que ça marche et le Musée des beaux-arts de Montréal nous a hébergés. »
Très rapidement, le nombre de concerts à la salle Bourgie est monté en flèche. « Pierre et moi voulions rejoindre tous les publics en proposant non seulement du classique, mais du jazz, de la musique des cultures du monde, des concerts en lien avec les expositions. Or, on ne pouvait pas présenter des séries à deux concerts seulement. À la fin, ce n’était plus une trentaine de concerts comme j’avais imaginé, mais au minimum 50 concerts qu’il fallait prévoir. »
Cinquante-trois concerts, pour être exact, puis 63, 73, 83 et 93 au cours des quatresaisons suivantes. « C’est un pur hasard si j’ai augmenté l’offre musicale de 10 concerts par année. Mais la tendance reste celle-ci : quand on a du succès et que ça fonctionne, le public veut réentendre tel ou tel musicien. Les artistes eux-mêmes me disaient qu’ils voulaient absolument revenir. » Cette profonde connaissance du milieu, Isolde Lagacé la doit à l’expérience de toute sa vie, pas seulement comme directrice au Conservatoire de musique de Montréal (2000-07) ou aux salles Pollack et Redpath (1992-2000), mais très tôt durant son adolescence.
Ses parents étaient musiciens, l’un et l’autre organistes et clavecinistes. Par commodité, compte tenu de la nature de leurs instruments, les répétitions avec leurs collègues avaient lieu chez eux et la jeune Isolde était présente. C’est ainsi qu’elle a commencé à côtoyer des musiciens professionnels à un âge précoce. Elle a ensuite créé ses propres contacts et bâti son réseau, également par l’intermédiaire de son mari, Douglas McNabney, professeur à McGill, chambriste et directeur artistique du Domaine Forget de 2000 à 2004. « Les gens que je connais sont des musiciens. Alors quand j’ai dû faire une programmation, ce n’était pas compliqué. Évidemment, aujourd’hui, je passe par les agents quand il le faut et je n’engage plus seulement des musiciens que je connais. Mais à force de les engager, ils deviennent des amis. »
Si Isolde Lagacé est si proche des musiciens, c’est aussi par ses sorties régulières aux concerts. Au fil des ans, cette habitude est devenue son modus operandi. « Un livre ne dira jamais à un directeur artistique d’assister à 80 ou 95 % des concerts. De mon point de vue, c’est comme si j’invitais quelqu’un chez moi. Imagine, tu prépares le souper et quand l’invité arrive, tu dis que tu t’en vas. Ça ne se fait pas. Notre rôle, c’est de présenter des concerts. Si on veut savoir ce qui se passe, si la salle fonctionne bien, si le public aime vraiment, il faut être au concert. Il faut être assis là et avoir des yeux tout autour de la tête. C’est aussi comme ça qu’on apprend à faire toujours mieux les prochaines fois. »
Sur sa manière de gérer une salle de concert, Isolde Lagacé poursuit : « Tout est source d’information pour moi, ce que me disent mes employés autant que mes patrons. Il faut être à l’affût de tout ce qui bouge dans le milieu. » Et de conclure : « Aller aux concerts, rencontrer les artistes, j’ai fait ça toute ma vie. Oui, c’est ma vie. Mais je n’ai plus besoin maintenant d’aller à tous les concerts et il faut que je laisse aller. Je suis persuadée que Caroline Louis et Olivier Godin assureront la continuité, pas dans ce que j’aurais fait, mais dans l’esprit des lieux et du projet initial. Le Wigmore Hall de Londres, comparable à notre salle et à notre programmation, existe depuis plus de 100 ans. Nous, cela fait seulement une dizaine d’années. Qu’est-ce que ce sera dans 50 ans ! »
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