Pro Musica : Kevin Chen en maître-chanteur au piano

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Dimanche dernier, 25 février, la société Pro Musica accueillait Kevin Chen dans sa série Cartes blanches. L’occasion de découvrir ce jeune talent canadien de 19 ans, pour la première fois à Montréal, dans un grand répertoire pour piano, allant de Beethoven à Ravel en passant par Mendelssohn et Liszt.

On ne pouvait que s’attendre au meilleur, compte tenu de la pluie de trophées qui s’est abattu sur lui : premier prix au Concours Arthur Rubinstein à Tel Aviv en 2023, premier prix au Concours de Genève en 2022, premier prix au Concours Franz Liszt à Budapest en 2021, premier prix au Concours Hilton Head, aux États-Unis, en 2020 et premier prix au Concours international de piano à Minneapolis en 2019.

La musicalité et le sens dramatique dont a fait preuve M. Chen justifie toutes ses récompenses. Dans la Sonate no 28 en la majeur, op. 101, de Beethoven, l’une des dernières écrites par le compositeur, il a impressionné par la finesse de son toucher (certaines notes semblaient presque effleurées), son rubato inspiré, mais aussi par la mélancolie qui émanait de son interprétation. Toutefois, dans le deuxième mouvement, il a manqué un peu de mordant. Les crescendos étaient bien amenés et les contours mélodiques, bien dessinés, mais le tout était réalisé machinalement, sans grande émotion.

La Fantaisie en fa dièse mineur de Mendelssohn a montré l’indéniable talent de l’interprète pour faire respirer la musique et jouer avec lyrisme, deux éléments déterminants dans d’autres pièces au programme. En termes de virtuosité, Kevin Chen n’a pas particulièrement excellé. Les arpèges descendants ont parfois manqué de définition, au risque de passer quelques notes à la trappe, et le rythme des passages « agité » n’a pas tout le temps été respecté.

La Valse de Ravel, à bien des égards plus virtuose que le Mendelssohn, a été interprété avec brio et vigueur, notamment dans les moments de course effrénée qui font de cette valse une danse du diable. Cela dit, le plus haut fait du récital de M. Chen, placé sous le thème du Piano symphonique, résidait dans la seconde partie de programme avec deux œuvres majeures de Liszt : des extraits du livre II d’Années de pèlerinage et Réminiscences de Norma. Le lyrisme et la passion amoureuse caractérisent chacune des partitions, d’abord parce que le compositeur choisit de mettre en musique des sonnets du poète Pétrarque inspirés par la muse de celui-ci, Laure de Noves; ensuite, parce que Liszt rend hommage aux savoureuses mélodies de Bellini tirées de son opéra Norma, à l’exception notable de Casta Diva, volontairement écartée pour mieux mettre en lumière les autres bijoux de romantisme italien.

À chaque fois, l’interprète parvient à faire entendre la voix humaine, comme si le piano chantait. Il maîtrise à la perfection cette respiration romantique dont nous parlions auparavant. À noter dans les Réminiscences la bonne conduite d’un thème à la main gauche pendant que la main enchaîne les ornementations en arpèges. De toute évidence, le pianiste Kevin Chen est aussi un amoureux de l’art lyrique!

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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