Quatuor Molinari – Retour sur les 25 ans de succès

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Le Quatuor Molinari a fêté son 25e anniversaire, le 14 octobre dernier à la salle du Conservatoire de musique de Montréal, par un concert en forme de rétrospective. Au programme, des œuvres de Krzysztof Penderecki, Alfred Schnittke, György Kurtág et György Ligeti.

Tous ces compositeurs d’Europe de l’Est ont fait l’objet, au fil des ans, d’une intégrale de leurs quatuors à cordes par le Molinari. Pour son public fidèle et pour les nouveaux venus à ce concert, l’ensemble avait donc décidé d’ouvrir la porte sur un pan de son histoire scénique et discographique.

Directrice artistique et administrative du Molinari depuis sa fondation en 1997, Olga Ranzenhofer se sent doublement choyée. « On avait un public très attentif. Le nombre de personnes n’empêchait pas le silence de régner. D’habitude, les gens qui viennent nous voir savent qu’ils n’auront pas un simple divertissement. Alors, ils se préparent au concert, ils sont là pour prendre tout ce qu’on leur donne. Eux aussi, ils nous donnent de l’énergie. C’est vraiment un bel échange. Pendant la pandémie, on a fait des concerts en webdiffusion devant un parterre vide. On se donnait à fond, mais c’était plus difficile que lorsque les gens respirent avec nous dans une même salle. »

Aux côtés d’Olga Ranzenhofer, on retrouve l’altiste Frédéric Lambert et le violoncelliste Pierre-Alain Brouvette, présents depuis 15 ans, ainsi que le violoniste Antoine Bareil qui complète le quatuor depuis maintenant 5 ans. Pour elle, la fidélité de ses collègues au projet initial est l’une des clés du succès du quatuor. « Jouer ensemble pendant longtemps fait en sorte qu’on développe des réflexes, qu’on respire ensemble, qu’on se comprend à de simples signes. Personne ne peut pas acquérir tout ça après quelques mois ou même un an de travail. C’est ce qui nous permet d’avoir cette cohésion. »

L’origine du nom

S’ils se sont fait un nom dans le milieu de la musique contemporaine, c’est peut-être aussi grâce à la réputation de l’artiste qui les a précédés. « Quand j’ai fondé le quatuor, je voulais un nom qui allait représenter notre mandat, qui est de faire de la musique du XXe siècle (et maintenant du XXIe). On cherchait des noms d’artistes. Guido Molinari (1933-2004) en est un qui a toujours été à l’avant-garde de l’art pictural. C’est un Québécois qui ne s’est pas expatrié. Il aimait aussi beaucoup la musique contemporaine (son père jouait du piccolo à l’Orchestre symphonique de Montréal). Pour décrire ses œuvres, il utilisait le mot « vibratoire », il parlait d’harmonie… bref, des termes musicaux. Ses toiles sont très vives, pleines d’éclat, pleines d’énergie. C’est aussi la direction que je voulais donner au quatuor : un quatuor qui n’est jamais en demi-teinte, affirmatif, vif, intense. » De fait, quand Olga Ranzenhofer est allée rencontrer Guido Molinari en personne, celui-ci a accepté sans réserve. Comme il aimait à le dire, c’était son quatuor.

Encore aujourd’hui, les musiciens continuent de faire des activités à la Fondation qui porte le même nom, située dans l’ancien atelier du peintre, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Parmi ces activités, mentionnons la vidéothèque, une série d’enregistrements filmés avec des toiles de Molinari en arrière-plan. « Il s’agit de mettre de l’avant des quatuors québécois dont la plupart ont été écrits pour nous. C’est d’ailleurs ceux-là qu’on a enregistrés jusqu’à ce jour. On veut ainsi créer un lieu virtuel où l’on puisse déposer de l’information sur les œuvres et sur le compositeur. En plus d’être un outil pour voir et écouter, c’est peut-être un outil de travail pour les jeunes qui se demandent comment interpréter ces quatuors à cordes. »

Le répertoire du Molinari s’avère très éclectique, même s’il gravite autour des musiques de compositeurs modernes et contemporains. Tout a commencé par R. Murray Schafer (1933-2021). « Je l’avais connu avant même de fonder le Molinari. À l’époque, il avait écrit six quatuors et je m’étais promis de les jouer tous avec mon nouvel ensemble. Par la suite, j’en ai commandé et reçu cinq autres. C’est un compositeur qui a été joué dès notre premier concert. Il a beaucoup marqué l’histoire du Molinari et je pense qu’il a aussi beaucoup contribué à mettre le quatuor sur la carte, autant à Montréal qu’au Canada et à l’international. »

Le quatuor Molinari ne cesse de créer de nouvelles œuvres, au plus grand plaisir des musiciens. « Je me plais toujours à jouer avec les esthétiques. Une œuvre de 2022 peut paraître plus moderne qu’une autre de 1900, mais l’inverse est parfois vrai. Des compositeurs de la nouvelle génération comme Éric Champagne, Maxime McKinley et Nicolas Gilbert ont une esthétique moderne, mais qui ne sonne pas aussi à l’avant-garde que Kurtág, pourtant né en 1926. Elles sont toutes aussi valables. C’est ce qui est intéressant dans notre répertoire. En 25 ans, nous avons fait toutes les esthétiques. Il y a tellement de variété, de sonorités, d’effets, d’écoles nationales qu’on peut bâtir un programme très équilibré en puisant seulement dans le répertoire du XXIe siècle, comme si on jouait un quatuor de Haydn, suivi d’un quatuor de Brahms et, pour finir, un quatuor de Webern. »

En plus d’œuvres avec traitement numérique en direct ou avec bandes sonores préenregistrées, les musiciens du Molinari ont accumulé une collection d’objets inusités. Le 27 novembre, dans le cadre des Concerts intimes à la Fondation, ils ressortiront leurs instruments de verres en cristal pour jouer Black Angels de George Crumb. Plusieurs autres concerts de cette série sont consacrés en partie au compositeur canadien Brian Cherney, qui fête ses 80 ans. Après avoir interprété son Quatuor no 3 en septembre, l’ensemble jouera son Quintette avec hautbois en décembre. Enfin, la création de son Quatuor no 7 est attendue pour le mois de février.

Le Quatuor Molinari présente le concert intime Odyssée sonore à la Fondation Molinari le 27 novembre à 13 h et 16 h.

www.quatuormolinari.qc.ca 

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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