Les compositeurs juifs écrivent d’abord des concertos pour violon et ensuite pour piano. Tous les autres instruments sont laissés de côté. Raphaël Wallfisch a le mérite d’avoir dépoussiéré les concertos pour violoncelle de trois Juifs – l’Israélien Paul Ben-Haim, de nationalité allemande, le compositeur autrichien Erich Wolfgang Korngold et l’Américain d’origine suisse Ernest Bloch. Ben-Haim, dans son Concerto pour violoncelle de 1962, offre son habituelle fusion de sonorités orientales et occidentales – bien qu’en remplaçant, cette fois, les racines yéménites et palestiniennes pour les influences ladinos et balkaniques, rendant le tout d’autant plus mélodieux. L’adagio est particulièrement convaincant. La Symphonie…
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Les enregistrements de ces concertos commencent avec le compositeur lui-même et se poursuivent avec Vladimir Horowitz, que Rachmaninov a reconnu comme meilleur interprète. La référence des temps modernes était jusque-là l’enregistrement de Vladimir Ashkenazy avec André Previn sur Decca, un effort de concentration et un défi partagé que peu d’autres ont réussi dans cette série. J’ai le sentiment que Daniil Trifonov et Yannick Nézet-Séguin ont établi ici la référence pour le prochain quart de siècle. Remarquables dans leur enregistrement précédent des deuxième et quatrième concertos, ils livrent une interprétation du Concerto no 1 qui met en lumière ses difficultés et ses…
**/*** Deux nouveaux enregistrements se veulent des premières mondiales d’une œuvre de Beethoven. Il s’agit d’un concerto pour piano qu’il a écrit en 1784 lorsqu’il avait 13 ou 14 ans et qu’il aurait oublié après l’avoir revu maintes fois. Le manuscrit autographe repose à la Bibliothèque d’État de Berlin et deux pianistes y ont eu recours en passant rapidement par la photocopieuse. Tout d’abord : est-ce une œuvre importante ? Pas si on veut en apprendre davantage sur l’homme, musicalement ou humainement. Le thème d’ouverture n’accroche pas l’oreille et le reste est plutôt convenu. Si quelqu’un prétendait qu’il s’agit d’une œuvre de…
****** (sur 5) La plupart des disques sont remplaçables. Quelques-uns sont mémorables, une mince portion d’entre eux est précieuse et, de temps en temps, on en trouve un qui est indélébile. Ce coffret est quelque chose. Je pense que c’est la première fois que je décris une compilation comme étant indispensable. Les cinq disques comprennent tous les enregistrements de Dmitri Chostakovitch jouant ses compositions pour l’État russe. Le compositeur était un pianiste génial et son jeu peut être considéré comme faisant autorité – une référence pour toutes les interprétations futures. Les enregistrements n’en demeurent pas moins marqués par le lieu…
La relation quasi symbiotique entre Félix Mendelssohn et sa sœur aînée, Fanny, relation que j’examine dans mon prochain livre, Genius and Anxiety, était si centrale dans la vie des deux musiciens que Félix a été frappé d’un malaise en apprenant la mort de Fanny. Il est lui-même décédé la même année. Fanny, la première à avoir démontré son talent musical, a été réduite au silence par leur père à l’approche de la puberté pour ne pas détourner l’attention de son petit frère de génie. Puis, dans la trentaine, elle trouve un éditeur et commence, au grand dam de Félix, à…
Parfois, les meilleurs disques se font sans attentes particulières. Pour son départ de l’étiquette Sony Classical, il était prévu que Murray Perahia enregistre les cinq concertos pour le 250e de Beethoven à Berlin, où il avait des concerts planifiés avec l’Academy of St Martin in the Fields. Mais Perahia a subi une blessure récurrente à la main et a dû être remplacé par le Canadien Jan Lisiecki. L’équipe de Deutsche Grammophon s’était déjà engagée pour l’enregistrement, elle a donc pris les devants. Et savez-vous quoi ? Le résultat est meilleur que prévu. Bien meilleur. Lisiecki, 24 ans, erre un peu depuis…
S’il faut que j’entende encore une fois Andrey Gugnin jouer Chostakovitch, je serai probablement contraint de me faire interner pour ma propre sécurité, du moins jusqu’après le Brexit. Mais ça se produira quand même. Comme le Brexit, d’ailleurs. Je n’y peux rien. La musique de ce disque fascinant nous provient des tréfonds de l’âme du compositeur, qui l’a écrite au moment où il était accablé par des problèmes plus personnels que politiques. Sa Sonate pour piano no 1, composée en 1927 alors qu’il avait 21 ans, côtoie sa Symphonie no 2 et a beaucoup de traits communs avec la sonate de…
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le compositeur le plus influent d’Hollywood s’est efforcé de retrouver son prestige perdu en concert. Erich Wolfgang Korngold avait pris la précaution de conserver les droits d’auteur sur ses musiques de film afin de pouvoir réutiliser leurs thèmes dans des œuvres symphoniques. Il se mit à travailler sur un concerto pour violon pour Jascha Heifetz et sur une Symphonie en fa, non commandée, prévoyant l’intérêt des orchestres à la recherche de musique populaire. Ses espoirs ont vite été anéantis. Le concerto a été tourné en dérision par la critique new-yorkaise quand il…
L’année du 70e anniversaire de la mort de Hans Pfitzner (1869-1949) est marquée par le retour d’un concerto pour piano qu’il avait écrit au sommet de sa gloire. Pfitzner, acclamé pour son opéra de 1917, Palestrina, avait livré ce concerto en 1923, avec Walter Gieseking comme soliste. Si Palestrina fait écho au Meistersinger de Wagner, le concerto incline fréquemment vers le si bémol de Brahms – et l’inclination dépend surtout de l’auditeur. La réputation déchue de Pfitzner est parfois attribuée à son écœurante sympathie pour les nazis, mais ce concerto suggère que la faute pourrait être attribuée à quelque chose…
Durant le rigoureux processus de relecture des épreuves pour mon prochain livre, j’avais besoin d’une ambiance musicale qui pourrait m’aider à tenir le rythme sans me distraire par un excès d’inventivité. J’ai pensé : Hindemith, qui d’autre ? Le compositeur allemand, condamné par les nazis comme étant un moderniste dangereux, n’a jamais été qu’un conservateur de nature cérébrale possédant une oreille pour la forme correcte. Exilé à Istanbul, puis à Yale, il a tiré des larmes à ses étudiants en les assaillant de leçons théoriques rigoureuses et d’un nombre incalculable d’exercices techniques cruels censés faire d’eux de meilleurs êtres humains. Le Ludus…