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Philharmonia Records4
Il y a quatre mois, j’ai écrit sur l’un des disques de Chostakovitch les moins satisfaisants qu’il m’ait été donné d’entendre, une interprétation où le chef d’orchestre, un jeune Finlandais survolté, parcourait la surface musicale sans pénétration ni concept stratégique. La morosité qui m’a envahi à l’annonce d’un cycle complet de symphonies par cet interprète non préparé a depuis été légèrement atténuée par l’émergence d’un cycle parallèle par un compatriote finlandais, Santtu-Matias Rouvali.
À 40 ans cette année, Rouvali est directeur musical du Philharmonia Orchestra de Londres et a de bonnes chances d’être le prochain chef à San Francisco ou à Los Angeles. Ces symphonies font appel à ses points forts : une maîtrise parfaite de la dynamique, des changements de couleur en filigrane et une compréhension de l’architecture symphonique peu commune parmi les chefs les plus en vue.
La Symphonie no 6, écrite de part et d’autre de la Seconde Guerre mondiale, a défié les attentes du Kremlin. Elle s’ouvre sur une citation morbide de la Symphonie no 10 de Mahler et se poursuit par un mouvement composé de mauvaises plaisanteries jusqu’à une conclusion déchirante. La Symphonie no 9 refuse d’exalter la victoire de Staline sur Hitler. Les symphonies expriment un détachement obstiné à l’égard des agendas extérieurs. C’est ce qui fait leur pertinence durable.
Ces interprétations imaginatives sont magnifiquement exécutées par un orchestre londonien de premier ordre. Rouvali est tout le contraire d’un chef inconstant. Il ne verra peut-être jamais son visage sur des panneaux d’affichage. Mais il est un maestro tout à fait de son temps, immergé dans la pensée musicale. Il devrait faire partie des orchestres qui placent encore la musique au sommet de leurs priorités.
De nombreux chefs ont du mal à trouver un équilibre entre le récit historique et le temps présent. Pas Rouvali. En étouffant les courants anxieux sous-jacents, il laisse la musique se dérouler comme une histoire de la vie quotidienne dans un état de terreur, en grande partie banale, parfois mortellement palpitante. Ce que j’aime le plus chez lui, c’est sa distance calculée par rapport à l’exagération. Le deuxième mouvement de la Symphonie no 9, « moderato », est un chef-d’œuvre de prudence. Sa tension contrôlée a fait vibrer mes plombages.
Ces interprétations imaginatives sont magnifiquement exécutées par un orchestre
londonien de premier ordre. Rouvali est tout le contraire d’un chef
inconstant. Il ne verra peut-être jamais son visage sur des panneaux d’affichage.
Mais il est un maestro tout à fait de son temps, immergé dans la pensée musicale. Il
devrait intéresser des orchestres qui placent encore la musique au sommet
de leurs priorités.
Traduction : A. Venne
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