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Je suis généralement réfractaire aux albums qui imposent un thème externe à des morceaux de musique sans rapport entre eux et provenant de lieux et d’époques différents. Dans le cas présent, il s’agit de l’Europe de l’Est, de 1814 à 2024.
Il est difficile de justifier que les Masques de 1915 de Karel Szymanowski soient des poèmes de guerre, d’autant plus que leurs thèmes sont Scheherezade, Tantris et Don Juan et que le compositeur n’a jamais porté l’uniforme. De même, les deux Polonaises opus 40 de Chopin ne sont guère militaristes, même si la pianiste Maria Narodytska s’efforce de rallier ses doigts et si elle colore la ligne de basse d’une couleur sombre.
Cet album prend tout son sens avec la guerre actuelle en Ukraine – After est une méditation minimaliste de la chanteuse Narodytska, originaire de Kiev, suivie d’un War Notebook vraiment substantiel de son compatriote Artem Liakhovych. Cet ensemble d’aphorismes culturels cite beaucoup de monde, de J.S. Bach et Frédéric Chopin aux habitants d’Ouman, ce lieu de sainteté et de visions. Le caractère aléatoire des références est lui-même révélateur de la manière dont les fragments de musique pénètrent dans notre conscience en contexte de guerre.
Narodytska joue les morceaux avec une empathie qui reste à la limite de l’hyperintensité. Son dernier morceau est la deuxième sonate de Dimitri Chostakovitch et, soudain, tout l’album prend un sens. En 1943, Chostakovitch a dit dans cette sombre sonate tout ce qu’il ne pouvait pas mettre en mots. Seule la musique peut décrire la condition humaine dans une telle situation de stress.
L’approche de Maria Narodytska est impeccable, la couverture de l’album est saisissante.
Traduction par Andréanne Venne
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