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L’histoire se répète presque quotidiennement. Quelqu’un découvre l’opéra grâce à une prestation en direct et sa vie s’en trouve bouleversée. Mais ce n’est pas tous les jours que cette passion mène à lever le voile sur la vie mystérieuse et légendaire de La Divina, Maria Callas.
Le cinéaste français Tom Volf, dont le parcours éclectique inclut le mannequinat et la photographie, étudiait la médecine à New York en 2013 lorsqu’il assista par hasard à une représentation de Maria Stuarda de Donizetti au Metropolitan Opera.
« La mezzo Joyce DiDonato chantait le rôle-titre et la combinaison d’éléments musicaux, théâtraux et cinématographiques fut transformatrice, se souvient-il. Je suis tombé amoureux de l’opéra grâce à Donizetti et David McVicar, et surtout Joyce. »
Après la représentation, il effectue des recherches sur Internet et le nom de Maria Callas apparaît constamment. « Ce fut la deuxième grande révélation. Elle avait exactement ce que j’avais découvert en Joyce, un chant du plus haut niveau, elle prêtait attention au compositeur et y mêlait le jeu. »
Cette découverte le mène à un pèlerinage de trois ans dans les traces de la diva. « J’ai commencé le film en cherchant ses proches. » Volf rencontre plus de trente amis proches de Callas. La clé fut de gagner la confiance de sa femme de chambre et de son maître d’hôtel, qui avaient vécu avec elle et qu’elle considérait comme une famille. D’autres ont rapidement accepté de participer.
Le documentaire Maria by Callas présente des lettres, des films, des photographies et d’autres documents inédits qui permettent à Maria – et Callas – de raconter son histoire dans ses propres mots, y compris un enregistrement d’une entrevue de 1970 avec David Frost où Maria apparaît candide. On le croyait définitivement perdu, heureusement son majordome avait filmé l’entrevue en Super 8 et enregistré le son sur magnétophone.
« Il est différent de tous les autres documents, plus près d’une confession, dit Volf. Le film est presque un retour en arrière sur cette entrevue. Elle y apparaît plus Maria que Callas. L’année 1970, c’était seulement deux ans après le mariage d’Onassis et Jackie et juste après son film Médée, de Pasolini. Elle était vulnérable et très honnête. Frost sut la sortir de sa zone de confort. Ils rient. C’est très révélateur de sa vie. »
Le documentaire retrace Callas depuis son enfance à New York jusqu’à son adolescence en Grèce alors qu’elle étudie au conservatoire. Les souvenirs de Maria et ses entretiens avec son professeur Elvira de Hidalgo sont particulièrement pertinents, même si son enfance et le début de sa carrière, y compris sa perte de poids, sont d’assez courte durée dans le film. « Il n’y avait pas beaucoup d’enregistrements disponibles de ses premières années, explique Volf. Je veux atteindre le sommet de sa carrière en 1958. »
Ce qui distingue ce documentaire des dramatisations et des livres insidieux, c’est l’accès aux lettres, qui révèlent les pensées personnelles de Maria. Les raisons derrière son déclin vocal, causé par une combinaison de nervosité et de sa relation avec Onassis, y sont notamment révélées.
Volf rejette une étude réalisée en 2010 par les chercheurs italiens Franco Fussi et Nico Paolillo qui attribuent son déclin vocal à sa perte de poids. « Les gens essaient de trouver des raisons compliquées quand elles peuvent être assez simples et elle le dit elle-même. Elle commença soudainement à avoir le trac à la suite des scandales. Sa sortie de scène à Rome a été une rupture majeure dans sa vie, sa carrière et aussi son état nerveux. »
« Je voulais montrer pourquoi et comment l’incident de Rome s’est produit. Elle avait peur de ce qui pourrait arriver qui l’empêcherait de finir un opéra et d’être lynchée pour ça. Rome a engendré beaucoup de peur. Une fois ce très haut niveau de carrière atteint, les attentes du public augmentaient de plus en plus. »
« Certains soirs, sa voix était bonne et d’autres pas. Avant tout, c’était ses propres attentes envers elle-même. ‘Est-ce que ma voix m’obéira ?’ Elle a beaucoup souffert de ça. »
Le film se penche sur sa liaison très médiatisée avec Aristote Onassis – avant et après son mariage avec Jacqueline Kennedy en 1968. Ils se rencontrèrent en 1957 alors qu’ils étaient encore tous deux mariés (son mari de l’époque, arriviste, avait organisé la réunion). Le film met également en lumière les raisons de son divorce en 1959. Nous apprenons par le biais de lettres et d’entrevues que, une fois en relation avec Onassis, Maria n’a plus ressenti le besoin de se produire ou de répéter. Elle souhaitait plutôt une vie simple, où elle pourrait remplir le rôle d’épouse et éventuellement de mère.
La scène la plus déchirante est celle où Maria raconte qu’elle a appris le mariage d’Ari et Jackie en lisant les journaux. Pourtant, c’est avec Ari que Maria trouva au moins un peu de bonheur dans sa vie. « Il m’a fait me sentir libérée. » À la fin , elle le ramena dans sa vie. « Ma liaison avec Onassis a été un échec, mais mon amitié avec lui, un succès », a-t-elle déclaré.
Selon Volf, il y avait tant de matière que le film, d’une durée de près de deux heures, aurait pu en faire quarante. Il a travaillé au montage pendant six mois, sept jours par semaine, avec la réalisatrice Janice Jones. Il est fier que 30 à 40 % du film soit fait de prestations de Callas. Afin de boucler la boucle, Volf invite Joyce DiDonato (avec laquelle il s’est lié d’amitié par la suite) à narrer les lettres de Maria dans le film (Fanny Ardant y prête sa voix dans la version française).
Volf, qui a terminé ses études en médecine, a créé trois livres compagnons du film, dont un livre d’images et un livre de lettres et de citations. Une exposition a aussi été montée en France l’an dernier et se rendra à Moscou l’année prochaine. « J’ai créé à Paris le Fonds de dotation Maria Callas et nous prévoyons ouvrir un musée Callas à Paris. »
Volf est toujours un fan d’opéra converti, en particulier pour le répertoire bel canto. « La première du film aura lieu à San Francisco, et Sondra Radvanovsky chante Roberto Devereux le même soir. Je suis tenté de faire faux bond et d’aller plutôt l’entendre chanter. Elle fait également partie de l’héritage de Callas. »
Traduction par Mélissa Brien
Maria by Callas prend l’affiche le 26 octobre 2018 à Montréal (Cinéma Beaubien, AMC Forum), à Québec (Le Clap) et à Ottawa (ByTowne). Visitez mySCENA.org pour gagner l’une des dix paires de billets.
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